Quoiqu’à travers des jugements différents, les historiens attribuent à Napoléon III un rôle important dans le Risorgimento et dans l’édification de la nation italienne. En réalité, quelques petits aperçus sur sa vie nous permettent d’observer et de comprendre le lien solide qu’il instaura avec l’Italie ainsi que ses multiples – et parfois même contradictoires – positions vis-à-vis de notre pays.

Né à Paris en avril 1808, fils, du moins officiellement, de Louis Bonaparte, roi de Hollande, baptisé, ayant pour parrain son oncle, l’Empereur Napoléon, après la défaite de ce dernier à Waterloo, il s’exile avec sa famille, étudie en Suisse et en Allemagne et reçoit une éducation complétée par un précepteur aux idées républicaines radicales.

C’est à l’âge de 15 ans, à Rome, qu’il entre en contact avec l’Italie en adhérant, jeune, au Carbonarisme avec son frère. Lorsque le gouvernement papalin, en accord avec celui autrichien, déchaîne une violente offensive contre les associations secrètes, il doit se cacher sous un faux nom en France. Mais son expérience dans le Carbonarisme n’est pas pour autant oubliée en Italie et explique, les années suivantes, la sympathie qu’il a suscitée et les illusions qui se sont créées dans les milieux républicains et mazziniens autour de lui.

La tentative de coup d’État de Strasbourg en 1836 et celle, maladroite, de Boulogne en 1840 ainsi que sa détention dans la forteresse de Ham contribuent à former l’idée inexacte d’un homme politique révolutionnaire, ou tout au moins fortement novateur, si l’on pense également à son pamphlet au titre ambitieux de “L’extinction du paupérisme.”

La presse satirique italienne commence toutefois à s’occuper sérieusement de Napoléon Louis Charles Bonaparte en 1848 lorsqu’il présente sa candidature au poste de Président de la République contre le général Cavaignac, le poète-philosophe Lamartine et les socialistes Ledru Rollin et Raspail. Le journal satirique “Il Lampione” de Florence lui consacre deux planches, l’une commentant son extraordinaire succès électoral, et l’autre, prémonitoire, dans laquelle l’impatient président pense déjà à échanger son chapeau avec celui de son célèbre oncle.

L’attitude de la presse italienne demeure indulgente jusqu’à ce qu’il envoie en 1849 les troupes française pour ramener le Pape à Rome et mettre fin à la République Romaine. La planche du “Don Pirlone” de Rome où il est représenté comme un croque-mort sans pitié s’avère efficace. D’autres planches du même journal expriment la déception des milieux progressistes face à ce qui semble être l’abandon de Venise aux mains de l’Autriche tandis que commencent d’impitoyables comparaisons avec son oncle. Le jeune Bonaparte est accusé d’avoir l’instinct du pompier et de ne pas posséder le courage du grand homme qu’était son aïeul.

Les journaux mazziniens de Gênes surtout, “La Strega” et “La Maga” le raillent, le surnommant “Malaparte”, le décrivant à l’instar d’une lente tortue et effaçant les idéaux de la révolution française.

Il n’est pas surprenant de constater, car c’était amplement prévu, qu’après le coup d’État de décembre 1851, il devienne en 1852 Empereur sous le nom de Napoléon III.

Dans les années cinquante, sa figure politique est partiellement réhabilitée et notamment dans les journaux d’orientation libérale, on signale volontiers quelques déclarations favorables à l’Italie et ses contacts avec Cavour. “Il Fischietto” de Turin, journal notoirement proche du premier ministre piémontais, l’accuse, en 1856 encore, de vouloir éteindre les feux révolutionnaires en Italie, en Espagne, en Pologne et en Grèce en négligeant les problèmes intérieurs et lui reproche en 1857 d’avoir cinq ans plus tôt enfermé la France dans un tombeau. Toutefois en 1859, il change radicalement de position en acclamant l’alliance entre France et Piémont contre l’Autriche, se félicitant de son attitude déterminée vis-à-vis de la diplomatie européenne déloyale et caressant ses ambitions d’être mis sur le même plan que son oncle pour avoir soulevé ‘la botte’, symbole de la nation italienne.

Fort réaliste et très drôle est l’image de 1860 qui dépeint Napoléon III et Cavour à table, appelés “les deux Gargantua” pour avoir abondamment étendu leurs territoires, l’Italie par l’acquisition de la Toscane et du royaume des deux-Siciles, et la France avec Nice et la Savoie.

L’attitude du journal ne change guère, pas même lorsqu’en 1862, bien que navré de l’aide apportée au Pape par Napoléon III du fait des pressions des milieux cléricaux et philo-papalins de Cour, il prévoit de manière lucide que le Pape n’aura pas d’issue lorsqu’il perdra la protection des troupes françaises.

Dans les années soixante, prévaut dans la presse italienne une attitude de critique vis-à-vis de l’Empereur français, coupable de ne pas avoir répondu aux attentes italiennes envers Rome capitale. “Il Lampione“ de Florence le présente en 1865 dans le rôle insolite d’un instituteur qui rappelle à ses élèves ignorants (les politiciens italiens) le Concordat avec Rome et l’impossibilité présentement de conquérir Rome.

Dans les années qui entraîneront en 1870 la chute du pouvoir temporel de l’Église à Rome et la défaite de Sedan, le journal bolognais “La Rana” consacre à Napoléon III de nombreuses planches.

Si, en 1866, l’Empereur semble alléché par l’idée de promouvoir un Congrès international, en 1867, lors d’une partie d’échecs avec le roi Victor-Emmanuel II d’Italie, il reconnaît la défaite subie au Mexique, alors que la Prusse s’apprête à lui déclarer “échec et mat” en Allemagne. Cette planche est prémonitoire : il faudra attendre trois ans seulement pour que se réalise ce qui y est prévu. Dans la guerre contre la Prusse, le pauvre Gigi est littéralement pulvérisé. Or se pose concrètement l’hypothèse du retrait des troupes françaises qui met automatiquement un point final au pouvoir temporel du Pape et annonce l’entrée des troupes italiennes dans la Rome capitale. Fort efficace est l’image qui dépeint Napoléon III et le Pape en proposant la vieille devise latine “Simul stabunt, simul cadent” sur l’interconnexion totale des destins des deux personnages. “La Rana”, enfin, montre, par l’image de l’horloge, avoir déjà prévu avec beaucoup d’avance l’issue des événements qui déboucheraient sur la chute de Napoléon III.

Nous aimerions clore cette brève exposition d’images de Napoléon par une gentille caricature de l’album “Arrivo dei crociati” (Arrivée des croisés) de 1871 qui, sans s’acharner avec la virulence de certains dessinateurs français de la période examinée, nous présente l’ancien Empereur vaincu et triste de n’avoir pas pu couronner son ambitieux rêve, celui de parcourir à son tour le chemin de Jules César.

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